samedi 26 février 2011

Existentialisme

En fait, je suis d'humeur jaune et ronde aujourd'hui. En d'autres termes, j'ai eu envie de faire des photos comme ça, comme ça venait, et d'écrire tout ce qui me passe dans la tête, histoire d'avoir cette dernière un peu moins remplie, aussi vide soit-elle.
Or, il s'avère que ce à quoi je pense est tout à fait lié à Uréus, la poupée à laquelle je m'identifie le mieux.
Voici donc un florilège de pensées, d'elle et de moi-même, se mêlant les unes aux autres.
N'essayez pas non plus d'y trouver un sens, il s'agit simplement de procéder à une libération de l'esprit. Nous pourrions donc considérer que cet article n'a pas de rapport concret avec mes Damnés, et qu'il dresserait plutôt l'inventaire de l'état de mon cerveau.

Premièrement
 Qu'est ce que la folie? Une façon de voir le monde. Ou de ne pas le voir. Une façon différente de voir les mêmes choses. Une allergie à tout ce qui est "normal"
Intolérable, en vérité! Il est intolérable de dire que la vie est intolérable. C'est pourquoi on enferme ceux qui le disent dans un asile. Par crainte de contagion. C'est déjà cela. Un asile. Le mot est bien choisi. Il évoque des idées de refuge, de douceur et de paix. Ce qu'il cache est tout autre: le bruit et la fureur, la violence écrasée par la violence, l'aliénation, l'absurde.
Si les fous meurent, la folie leur survit. Il faut donc tuer aussi la folie. Comment? En la privant de nom, en la privant de voix, en la privant du droit à l'existence. C'est ce à quoi servent les maladies "mentales". Mais je pense qu'il n'y a pas de maladies "mentales" mais seulement des maladies sociales. la folie ne passe donc pas dans l'homme, mais entre les hommes. Donc dans la société. La psychiatrie elle-même n'a été inventée que pour servir l'ordre social qui avait intérêt à cette méconnaissance: l'ordre bourgeois.




Secondement
Le Dieu dont les philosophes de la religion aiment à discuter ne correspond pas tout à fait à l'image que la plupart d'entre nous s'en font. Il a tendance à rester dans une certaines abstraction, comme "la force" dans Star Wars, et il ne ressemble guère à ce gentil Père céleste qui reste debout toute la nuit pour veiller sur vous.

Troisièmement
Le moi se fixe avec haine à l'image narcissique renvoyée par l'autre. Dans toute relation narcissique en effet, le moi est l'autre et l'autre est moi. Ce que le sujet trouve en cette image altérée de son corps, c'est le paradigme de toutes les formes de la ressemblance qui vont porter sur le monde des objets une teinte d'hostilité en y projetant l'avatar de l'image narcissique, qui, de l'effet jubilatoire de sa rencontre au miroir, devient dans l'affrontement au semblable le déversoir de la plus intime agressivité. C'est cette image qui se fixe, du point où le sujet s'arrête comme idéal du moi.


Mais pour ne pas faire un total hors sujet, je citerai un passage de Maison Hantée de Shirley Jackson, avant de vous raconter l'histoire d'Uréus Khamadhar...

"Aucun organisme vivant ne peut supporter longtemps un contact prolongé avec la réalité ; même les alouettes et les sauterelles rêvent, de l'avis de certains. Hill House avait banni le rêve et se dressait, solitaire et maléfique, sur son promontoire ; elle était là depuis quatre-vingts ans et serait probablement encore là dans quatre-vingts ans. Les murs étaient droits, les briques bien assises, les planchers solides et les portes convenablement fermées. Le silence régnait dans la demeure et l'être qui y marchait y marchait seul."
       
           C'est dans une maison semblable à celle-ci que les sœurs Khamadhar avaient élu domicile, à la différence que leur bâtisse, bien qu'elle fut ancienne et de style, était située en haut d'une falaise, surplombant une mer qu'aucun marin n'aurait aimé affronter. La maison avait tendance à disparaitre dans la brume, cette brume si épaisse qui s'élevait vers ses frères les nuages en une masse cotonneuse et dense, conférant au petit manoir des Khamadhar l'air inquiétant d'une créature sortie de la mer. Et parfois, les nuits de tempête, lorsque le vacarme des vagues d'écrasant avec force sur les rochers qui se dressaient à pic en contrebas couvrait tout autre bruit audible, alors les fenêtres du manoir s'illuminaient d'une couleur que l'on ne trouvait nulle part ailleurs sur Terre.
             Jamais personne n'avait osé s'aventurer au delà du petit portail de bois qui entourait la colline. Bien des légendes circulaient à propos de ces étranges femmes qui, d'après ce que l'on disait, pratiquaient d'anciens rites occultes et malsains. Elles ne sortaient jamais de chez elles, sauf en de très rares occasions, et personne n'avait jamais vu leur visage que cachés derrière de longs cheveux noirs et de grands chapeaux finement travaillés.
             A la vérité, Uréus et sa sœur Oméga n'étaient pas de simples humaines. Si leur maison semblait ancienne, et si elles ne sortaient jamais, c'est qu'il y avait une raison. Et cette raison est simple : Uréus et sa sœur s'avèraient être d'anciennes divinités bannies de leur trône céleste. Elles se sont écrasées sur Terre, dans la partie nord de Green Hill, et parmi les décombres, au sommet de la falaise, s'était soudain dressée cette maison. A l'intérieur y régnait une odeur nauséabonde. L'odeur du Diable, comme disaient les gens du village, bien qu'ils n'y fussent jamais entrés. Il s'agissait en fait d'une odeur plus âcre, qui vous asséchait la gorge et vous soulevait le cœur. Une odeur de mort. Le manoir était poussiéreux et semblait à l'abandon. Et là, dans les coins, se détachaient de temps en temps deux formes frêles et pâles, qui se mettaient à parler dans une langue incompréhensible en se déplaçant furtivement. Et puis les formes se rendaient à l'étage inférieur, celui où elles pratiquaient diverses expériences, planifiant leur vengeance future à l'encontre de ceux qui les avaient chassées. Il y avait là la collection de fioles d'Oméga, et la collection d'Uréus, se composant de diverses têtes, animales et humaines, à différents états de décomposition plus ou moins avancés.
             Si un jour le destin de ces deux sœurs fut séparé, un humain en fut la cause. Oméga s'était éprise d'un mortel et avait abandonné sa sœur pour mieux vivre cet idylle interdite. Uréus, jalouse de cet homme, décida de les maudire tous deux. Ainsi, elle les damna, les condamnant à s'aimer et à mourir l'un tué par l'autre, vie après vie, éternellement.
              En damnant sa propre chair et son propre sang, Uréus s'était damnée elle-même. Elle était condamnée à vivre seule dans cette maison devenue prison, condamnée à vire seule éternellement.
               Ce n'était pas un mal en soi, car Uréus aimait la solitude. Alors elle resta des années et des années à l'étage inférieur de la maison sur la colline, à peaufiner sa vengeance les jours de tempête, contre ceux qui l'avaient chassée, contre sa sœur, contre cet homme, et contre le monde entier.

Uréus a fini par sombrer dans une folie destructrice, construite d'un désir inébranlable de vengeance, de questions métaphysiques, et de têtes en décomposition.

L'odeur du Diable, avaient-ils dit.